Une anomalie normale de l’État de droit

La détention provisoire en RFA entre critiques et réformes (1953-2013)
Par Grégory Salle
Français

Dans le cadre d’un dossier sur les « réformes de l’enfermement », cette contribution étudie la détention provisoire en République fédérale d’Allemagne depuis l’après-guerre à partir des critiques incessantes dont ce régime est chroniquement la cible. Les excès comme les lacunes de cette pratique font en effet l’objet de griefs récurrents et consensuels, pouvant aller jusqu’à mettre en cause la qualité de l’État de droit elle-même. Ils alimentent en retour d’incessants appels à la « réforme » de ce qui fait figure d’exception abusivement normalisée depuis au moins l’ordonnance d’exécution faisant autorité en la matière, dont la version initiale date de 1953, sans grand changement en pratique. Comment expliquer la persistance d’un fonctionnement quasi unanimement décrié comme anormal, voire scandaleux ? Cet article propose un début de réponse en présentant d’abord les motifs structurants des critiques adressées depuis lors à la détention avant jugement, en distinguant le vide juridique, la démesure quantitative, la discrimination judiciaire, l’aberration carcérale et l’instrumentalisation sociopolitique. Sur cette base, il s’efforce ensuite de rendre compte de la baisse sensible du nombre de détenus prévenus depuis vingt ans, qui peut apparaître comme un signe d’intégration de la critique, en replaçant cette tendance quantitative dans une recomposition plus générale des moyens de la coercition étatique.

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